Rezension über:

Uwe Israel: Fremde aus dem Norden. Transalpine Zuwanderer im spätmittelalterlichen Italien (= Bibliothek des Deutschen Historischen Instituts in Rom; Bd. 111), Tübingen: Niemeyer 2005, VIII + 380 S., ISBN 978-3-484-82111-8, EUR 54,00
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Rezension von:
Philippe Braunstein
École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris
Redaktionelle Betreuung:
Jürgen Dendorfer
Empfohlene Zitierweise:
Philippe Braunstein: Rezension von: Uwe Israel: Fremde aus dem Norden. Transalpine Zuwanderer im spätmittelalterlichen Italien, Tübingen: Niemeyer 2005, in: sehepunkte 7 (2007), Nr. 7/8 [15.07.2007], URL: https://www.sehepunkte.de
/2007/07/8774.html


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Uwe Israel: Fremde aus dem Norden

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L'ouvrage d'Uwe Israel s'inscrit dans une conjoncture intellectuelle propice à la réflexion historique sur les minorités: dans la plupart des pays européens, le débat public est durablement engagé sur des notions juridiques et philosophiques telles que l'identité ou l'étranger et sur des réalités économiques et sociales résultant des phénomènes migratoires incontrôlables.

Plusieurs ouvrages parus en 2005 [1] attestent le renouveau d'intérêt de chercheurs allemands sur un thème majeur pour l'histoire des relations entre le monde germanique et l'Italie, la présence, attestée par les sources depuis le 13e siècle, de groupes ou d'individus qui, franchissant les Alpes, se sont passagèrement ou durablement installés dans les villes italiennes. Si aucun de ces ouvrages, fruits de recherches approfondies, n'utilise le vocabulaire contemporain de l'analyse sociologique ou politique, leurs auteurs ne sont pas insensibles au débat passionné sur l'intégration ou le communautarisme.

Uwe Israel rappelle, dès l'introduction de son livre, que la mobilité fait partie de la culture des sociétés médiévales et qu'en Europe centrale, elle se manifeste essentiellement du Nord vers le Sud, reprenant ainsi le fil qui a inspiré tant de recherches allemandes sur le "Drang nach Süden"; il précise aussitôt qu'à la différence des grands ancêtres, comme Doren ou Schulte, attachés avant tout à décrire les formes de la présence allemande, il s'est proposé de réfléchir sur les relations entre migrants ou immigrés et le milieu qui les entoure.

Mais il fallait d'abord tenter de définir le statut de l'étranger, à partir du vocabulaire de la fin du Moyen Age: d'après le statut de Trévise de 1385, le forensis est celui qui ne réside pas dans la ville ou dans son district, ne paie pas d'impôt et n'est pas soumis aux différentes charges de la communauté; dans ces conditions, un immigré n'est plus un étranger, dès lors qu'il réside à Trévise et paie des impôts. Mais une définition juridique de la condition des personnes ne suffit pas à éclairer le regard porté par les contemporains sur ceux qui sont venus d'ailleurs: combien de nouveaux venus demeurent, en Italie comme ailleurs, dans la condition de nichil? Et si les fils d'étrangers étaient bien installés, comme c'était le cas à Trente, ils ne parvenaient pas pour autant à jouir des mêmes droits civiques que les Italiens; écoutons la réponse faite par le Conseil de ville vers 1480 à leurs récriminations: "Si nous autres, citoyens de Trente, nous nous installions dans une ville d'Allemagne, (les habitants) ne voudraient pas modifier leurs anciens usages lors même que nous serions plus nombreux qu'eux; ils nous diraient: "'allez-vous en ou rangez-vous sous nos lois!'"

D'autre part, des notions comme celle de "colonie", aujourd'hui abandonnée, ou celle d' "ethnie" que semble accepter Uwe Israel, ne peuvent rendre compte de situations individuelles complexes: Hermanus de Polonia de Alemania, rencontré à Trévise en 1433, est-il un Allemand ayant résidé longuement en Pologne, ou un Polonais de langue et de culture allemande arrivé en Italie ?

Après cette nécessaire discussion sur le vocabulaire, Uwe Israel définit la méthode adoptée, qui ne pouvait être purement prosopographique, puisque la majorité des immigrés n'appartenait ni à l'élite ni à un groupe homogène. L'auteur présente un plan simple et classique, qui expose d'abord les cheminements à travers les Alpes et les villes d'accueil, détaille ensuite les catégories professionnelles de migrants et pose enfin les questions relatives à l'intégration (langue, résidence, institutions de solidarité et de secours matériel et spirituel).

Sur le premier point, à savoir les conditions dans lesquelles s'effectuent au cours du temps les départs, Uwe Israel n'a pas plus que d'autres auteurs une explication simple à proposer: on avait déjà, avant lui, mis en avant les avantages sociaux et fiscaux consentis par les villes italiennes aux artisans et aux experts d'Outremont, susceptibles de relancer l'économie après les saignées démographiques de la Peste récidivante: mais les villes d'Allemagne, également touchés par le fléau, auraient-elles volontiers laissé partir les bras et les cerveaux ? Une autre explication est rapidement évoquée et mériterait une analyse de fond: les artisans allemands qui partent, en majorité des jeunes gens formés sans emploi, ont-ils souffert dans leur ville d'une précoce fermeture des métiers (71) ?

Dans les deux cas, on ne saisit les immigrés que lorsqu'ils sont installés et on ne peut qu'imaginer les informations qui circulent dans les différents milieux professionnels sur les opportunités du marché au-delà des monts, particulièrement dans les premières décennies du 15e siècle.

On ne s'étonnera pas de retrouver dans cet ouvrage la place que les boulangers, les cordonniers et les tisserands se voient traditionnellement reconnue dans la plupart des villes italiennes; on regrette que les marchands figurent dans la liste des migrants temporaires, sans que soient distingués des niveaux de commerce et d'entreprise; quant à la présence des esclaves, fussent-ils convertis au christianisme, on saisit mal en quoi ces migrants forcés, évoqués dans le même paragraphe que les juifs allemands, figurent comme des "étrangers venus du Nord", puisque la majorité d'entre eux, venus par la mer Noire, se retrouve dans les villes maritimes (99).

Pour en venir au sujet central du livre, à savoir l'adaptation des Allemands à la vie, aux coutumes, aux usages professionnels italiens, il faut passer d'un coup aux résultats d'une enquête personnelle d'ampleur conduite dans les archives de Trévise: le livre offre en effet dans sa dernière partie les pages les plus neuves sur tous les thèmes abordés jusqu'ici; l'impression de redite tient au plan gigogne, mais la documentation est d'une extrême richesse et fait oublier cet inconvénient.

Uwe Israel a su conjuguer l'usage de sources diverses et continues, dont l'exploitation massive permettrait sans aucun doute de construire un portrait d'ensemble de la société trévisane au cours du 15e siècle. Dans ce milieu urbain, les Allemands apparaissent à la fois dans les fraternités qu'ils ont créées, comme celle de Saint Antoine, où l'on enregistre dans la seconde moitié du 15e siècle plus de 400 entrées, et dans les circonstances les plus diverses de la vie quotidienne, grâce aux actes notariés, aux registres fiscaux et criminels et surtout grâce aux registres de baptême: entre 1398 et 1446, sur 14.712 baptisés, 188 avaient des parents allemands installés à Trévise. La dispersion des résidences dans toute la ville et les relations personnelles avec des Italiens à l'occasion de fêtes familiales offrent l'image d'une société ouverte à l'accueil des étrangers: il existe bien à Trévise une rue des Allemands, mais à la différence de Trente, où s'est développé un quartier germanique, les Allemands n'y résident pas au 15e siècle; ils ne sont pas non plus installés à proximité des autels créés à leur initiative dans les églises; ils sont présents, comme dans d'autres villes italiennes, dans les fraternités professionnelles et leurs propres institutions pieuses et charitables ne sont pas fermées aux Italiens; les registres de baptême attestent une intégration parfaite dans la communauté civile et religieuse, puisque les parrainages sont mutuels entre Allemands et Italiens.

En somme, l'enquête de l'auteur, avec toutes les difficultés liées, pour l'historien des sociétés anciennes, à la définition d'un groupe à partir des noms de personne, permet de récuser la vision communautariste que pourrait diffuser la seule prise en compte des listes de membres de fraternités: si dans certaines fraternités, comme celle des "Battuti", les Allemands sont presque totalement absents, c'est parce qu'elles rassemblent une élite fortunée de Trévise; inversement, selon Israel, la création concommittente de plusieurs fraternités allemandes, postérieure au moins d'une génération au plus haut moment de l'immigration, pourrait s'expliquer par un souci de lutter contre la perte totale d'une identité culturelle, à laquelle des familles intégrées demeureraient attachées.

L'ouvrage, doté d'une très riche bibliographie, apporte plus de 70 pages de régestes et extraits de sources, qui permet d'entrer plus avant dans la vie quotidienne des habitants d'une ville importante, à proximité de la métropole vénitienne. Des exemples bien choisis illustrent le parcours réussi de quelques personnalités transalpines, qui font carrière à Trévise dans les affaires ou dans la vie culturelle. C'est donc une vision renouvelée de la place des étrangers dans une ville médiévale qui est ainsi offerte au lecteur européen d'aujourd'hui.

Annotation:

[1] Outre le livre d'Uwe Israel, celui de Knut Schulz et Christiane Schuchard: Handwerker deutscher Herkunft und ihre Bruderschaften im Rom der Renaissance, Rom-Freiburg-Wien 2005; et celui de Cecilie Hollberg: Deutsche in Venedig im späten Mittelalter. Eine Untersuchung von Testamenten aus dem 15. Jahrhundert, Göttingen 2005.

Philippe Braunstein