Jonathan Spangler: The Society of Princes. The Lorraine-Guise and the Conservation of Power and Wealth in Seventeenth-Century France, Aldershot: Ashgate 2009, XI + 343 S., ISBN 978-0-7546-5860-3, GBP 65,00
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Jonathan Spangler présente d'abord la situation singulière des "princes étrangers" à la Cour de France, ces lignages issus de maisons souveraines en Europe qui s'enracinent en France, obtiennent plusieurs duchés et un rang qui les place entre les princes du sang et les ducs-pairs.
L'auteur s'attache avant tout aux princes de la maison de Lorraine. Si les Guise sont bien connus en raison de leur rôle dans les guerres de Religion, la présence des multiples rameaux de la maison de Lorraine a été négligée alors qu'ils ont encore une place éminente après le XVIe siècle. J. Spangler se pose la question de savoir si une solidarité existait entre les membres de ces rameaux, comme semblent l'indiquer certains mémorialistes. Leur enracinement s'appuie sur l'histoire récente à travers la puissance des Guise à la Cour des derniers Valois, mais aussi sur une histoire légendaire de la maison de Lorraine, en particulier avec l'idée d'une origine carolingienne, qui apparaît au XVIe siècle.
L'auteur étudie le sort des différents rameaux, décrivant l'extinction de la lignée de Guise, le déclin de celle d'Elbeuf et l'ascension de celles d'Armagnac et de Marsan. L'auteur dessine ainsi ce qu'il appelle une "identité dynastique".
J. Spangler étudie la faveur dont jouissent les Lorrains à la Cour en accumulant un ensemble de preuves qui montrent bien cette situation privilégiée au cœur de la noblesse, avec deux figures de premier plan, le comte d'Armagnac qui domine, à partir des années 1680, l'ensemble de la parentèle, et le chevalier de Lorraine, ami de Monsieur. En revanche, il faut regretter l'utilisation du mot "favori" pour les proches de Louis XIV, ce roi se gardant bien d'en avoir et considérant cela comme un aveu de faiblesse politique. Le rôle de ces princes installés en France est bien décrit dans le cadre de la réinstallation du duc de Lorraine dans son duché à la fin du XVIIe siècle. Cette approche curiale s'appuie surtout sur le témoignage des mémorialistes.
J. Spangler franchit une étape nouvelle en étudiant les stratégies matrimoniales, les contrats de mariage et le statut des veuves. Ces princes étrangers semblent tenus à l'écart par les princes du sang à deux exceptions près - le duc de Guise épouse une Orléans et le duc Léopold de Lorraine épouse la nièce de Louis XIV (mais c'est un prince souverain). L'auteur donne une carte des domaines des Lorraine-Guise et de leurs épouses, ainsi que des bénéfices ecclésiastiques possédés par des membres de la lignée. Notons l'évocation de la pauvre Marie-Françoise de Valois, héritière de trois grandes fortunes, sans doute handicapée mentale, mariée néanmoins au duc de Joyeuse, veuve à 22 ans, écartée du monde pendant ses 42 ans de veuvage, d'abord par sa belle-mère, puis par sa belle-fille.
J. Spangler lance aussi une étude originale sur l'implication des Lorraine-Guise dans les procès interminables qui caractérisent le monde ancien et il utilise une source intéressante, les factums rédigés pour défendre les droits de chacune des parties. On voit Marguerite Chabot, princesse d'Elbeuf, passer 50 ans de sa vie dans des disputes judiciaires et réussir ainsi à doubler sa fortune.
Ce livre révèle une solide érudition et une bonne connaissance de l'histoire sociale de la France ancienne. En rassemblant des sources variées et en multipliant les approches, il offre une étude passionnante et claire qui sera un apport important à une meilleure connaissance de la société d'Ancien Régime.
Le dernier chapitre sur les Lorraine-Guise au service de monarques étrangers apporte en revanche peu d'éléments nouveaux. Qu'il me soit permis de faire ici une remarque. Le titre de ce livre reprend en anglais celui que j'ai moi-même consacré à la société des princes. Ce détail n'est pas mentionné par J. Spangler. En tout cas, le monde qu'il décrit ne correspond pas vraiment à ce réseau des maisons souveraines que j'ai voulu décrire. Les Lorrains restent liés à la maison de Lorraine, mais ils n'accèdent pas au tout petit monde des souverains. Ils constituent une strate de la noblesse française, dont ils font pleinement partie. En lisant l'ouvrage de J. Spangler, nous avons plutôt la démonstration que les Lorraine-Guise ne font pas partie de la société des princes.
Lucien Bély