Mischa Meier: Caesar und das Problem der Monarchie in Rom (= Schriften der Philosophisch-historischen Klasse der Heidelberger Akademie der Wissenschaften; Bd. 52), Heidelberg: Universitätsverlag Winter 2014, 83 S., ISBN 978-3-8253-6248-5, EUR 24,00
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Mischa Meier, spécialiste reconnu de l'Antiquité tardive à laquelle il a consacré ses travaux d'habilitation, en particulier le VIe siècle de notre ère, pour lequel il s'est attaché à renouveler nos approches - notamment en s'interrogeant sur le "siècle" de Justinien dans Das andere Zeitalter Justinians Kontingenzerfahrung und Kontingenzbewältigung im 6. Jahrhundert n. Chr., paru en 2003 -, et qui travaille actuellement sur la chronique universelle de Jean Malalas, a publié voici près de dix-huit mois cet essai qui plonge aux racines d'une question historiographique fort débattue, notamment durant le tout dernier siècle et ses tourments, à propos de la figure césarienne, de son projet politique et de la dimension monarchique supposée de la "posture" de César durant les années 40 avant notre ère, de son retour en Italie et à Rome (en 49) à son assassinat aux Ides de Mars 44, et plus particulièrement durant les deux dernières années de sa vie (46-44 av. n. è.). Cette enquête, qui a bénéficié de nombreux échanges avec plusieurs collègues universitaires allemands (mentionnés 7), prend directement place au cœur des intérêts historiographiques de l'auteur.
En un peu moins de soixante-dix pages, très denses, et en cinq étapes, nous sommes invités à parcourir une historiographie, prioritairement allemande, mais également anglaise, et très secondairement italienne et française, attachée à expliquer ces quelques années durant lesquelles le dictateur et consul César domina la scène politique à Rome et dans l'empire, et cette "question" de la monarchie in Rom. Les sources littéraires grecques et latines sont régulièrement convoquées à partir de la deuxième section, et citées la plupart du temps dans les notes infra-paginales, les passages les plus importants étant traduits dans le corps du texte - ceci est essentiel afin de mesurer la réception de cette figure césarienne durant toute l'antiquité romaine, jusqu'aux modèles politiques tardifs, de la Tétrarchie à l'empire byzantin, bien au-delà des polémiques et invectives de la période des affrontements des guerres civiles. L'ensemble du raisonnement s'appuie sur une solide connaissance du contexte tardo-républicain, des enjeux épistémologiques, méthodologiques et historiographiques (en particulier durant les années 1930-1960) pour toute réflexion menée sur le modèle politique envisagé dans la tourmente du dernier siècle de la république, et en amont de la mise en place du principat augustéen, ce qui aurait pu influencer les choix du jeune César dans le cadre de son projet plus ambigu de res publica restituta. On peut à ce propos suggérer de confronter deux récits historiques précisément datés pour "planter" le décor de la geste césarienne: l'un convoqué régulièrement dans cet essai, la biographie de Matthias Gelzer (publiée en 1921, dont on utilisera l'édition de 2008: Caesar: Der Politiker und Staatsmann (Neudruck der Ausgabe von 1983), avec la courte introduction de E. Baltrusch et l'apparat critique tiré de la dernière édition du vivant de l'auteur, en 1960, celle-là même utilisée par M. Meier), le second qui me semble très utile en contrepoint, même s'il n'est pas mentionné: Luciano Canfora, Giulio Cesare. Il dittatore democratico, 1998, éventuellement dans sa 2e édition française datée de 2001.
On mesurera d'autant mieux l'apport de cette enquête en territoire césarien, et les étapes proposées par Meier afin de traiter de ce "problème" de la monarchie - que je vais brièvement résumer dans ce qui suit -, en mentionnant deux références bibliographiques complémentaires, l'une qui aurait pu être prise en compte dans cet essai, à savoir les différentes études réunies en 2003 par Francis Cairns et Elaine Fantham (éd.), dans Caesar against liberty? Perspectives on his autocracy, l'autre parue en même temps que l'essai de Meier et signée par l'un de ses interlocuteurs, Martin Jehne, "Die Krise des Republik und die Wiederentstehung der Monarchie in Rom", in Marietta Horster et Florian Schuller (éd.), Augustus. Herrscher an der Zeitenwende, 11-25.
Après une première brève mise au point ("Methodische Vorüberlegungen", 7-15) centrée sur le positionnement de l'auteur à l'égard de l'historiographie allemande récente et de ses apports théoriques (par exemple durant la dernière décennie écoulée, en renvoyant à la très longue note 8, 10-12), l'auteur s'engage pleinement dans le "dossier César" ("Ambivalenzen und Aporien im Zusammenhang mit der Gestalt Caesars", 15-32) au moyen d'une confrontation méthodique des données littéraires (notamment Tacite, Cicéron et Plutarque) et de la réception de ces portraits orientés et engagés au sein de la communauté des historiens (principalement durant les années 1970-2000). La troisième partie de cet essai constitue le cœur de la démonstration de l'auteur ("Diskurs und Handlungsrahmen - Das Problem der denkwürdigen letzten Auftritte Caesars", 32-56): comment penser à nouveaux frais ces figures multiples du tyrannus, du dictateur perpetuus, de ce discours politique qui se situe entre république et monarchie, en étant attentif aux renouvellements récents constitués par les réflexions en termes de culture politique ou de rituels d'une res publica, fût-elle impériale! Avant de faire retour, en deux ultimes étapes, sur les variations historiographiques de ces deux derniers siècles, méandres de l'interprétation des données et apports de la sociologie politique ou de l'anthropologie historique ("Die wissenschaftsgeschichtliche Seite des Problems", 57-66), et de conclure, notamment par cinq aspects fondamentaux du débat ("Fazit", 66-71), par la négative l'enquête sur la monarchie césarienne, ce qui me permet de mesurer le chemin parcouru depuis l'analyse de Zvi Yavetz, curieusement absente de ce développement (César et son image. Des limites du charisme en politique, trad. franç., Paris, 1990).
Je n'en appellerai pas, afin d'achever cette brève notice, à la figure du psycho-historien Hari Seldon, brillamment mise en scène par Isaac Asimov dans son cycle des Fondations et utilisée récemment par M. Jehne dans l'essai cité en référence ci-dessus (23 et n. 33). Le problème fort bien posé par Mischa Meier est le suivant: de quoi parle-t-on quand on interroge l'expérience césarienne de la décennie 40 et que l'on étudie les derniers soubresauts d'une res publica fortement contestée, socialement et politiquement, mais surtout confrontée aux renouvellements imposés par la question impériale? Il s'agit tout à la fois d'interroger des actes (à partir des commentarii de César, mais également des premiers récits qui en furent livrés, de Nicolas de Damas à Velleius Paterculus), replacés en contexte, puis les discours produits (à partir de Tacite), en faisant le départ entre la praxis politique, la rhétorique et les enjeux de toute ritualisation: on peut par exemple reprendre dans cette perspective le dossier des Lupercalia de février 44 et, de Wickert à Weinstock, ou bien d'Alföldi à Burkert, tenter de démêler les approches progressives de l'apothéose, le rapport à Romulus-Quirinus, la conception d'une monarchie "éclairée" ou divine, et finalement la nature du principat qui s'est imposé. Il convient de s'affranchir des jeux de masques de nos "évidences", des doublets parfois trompeurs, ou finalement riches de sens, "César/Pompée", "Antoine/Octavien", mais également "César/Auguste", et dès lors se replacer dans le cours d'une république aristocratique qui se transforme en régime impérial et tisse ensemble des récits contradictoires, faisant usage de toutes traditions, de Cicéron à Horace, pour ne prendre que deux méditations parmi d'autres sur les res nouae.
Stéphane Benoist