Christopher P. Evans (ed.): Simon of Tournai: On the Incarnation of Christ. Institutiones in sacram paginam 7.1-67, Toronto: Pontifical Institute of Mediaeval Studies 2017, XIV + 188 S., ISBN 978-0-88844-211-6, USD 80,00
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Christopher Evans, professeur de théologie à l'Université de St Thomas à Houston (Texas), édite et traduit la septième partie des Institutiones in sacram paginam de Simon de Tournai, à savoir les quaestiones 1 à 67 de cette partie qui constitue, en soi, un véritable traité sur l'Incarnation du Christ. Mieux, un des premiers traités sur l'Incarnation du Christ après les Sentences de Pierre Lombard (ca. 1157/8) dont elles se révèlent, en quelque sorte, un commentaire. Nous sommes dans les années 1160-1165. L'auteur, Simon de Tournai, maître renommé de l'Université de Paris et théologien porrétain, par ce traité, s'avère un des premiers témoins du développement de la christologie à la fin du XIIe et au début du XIIIe siècle. Le texte est édité ici pour la première fois avec une mise en perspective introductive sur quelque cinquante pages. L'éditeur, après avoir donné quelques éléments biographiques sur Simon de Tournai, resitue sa position théologique au sein d'un large contexte controversial concernant les théories de l'union de la divinité et de l'humanité du Christ, dites aussi théories de l'union hypostatique. Depuis les années 1150 et notamment le concile de Tours (1163), trois théories avaient alors cours consignées dans le Livre des Sentences du Lombard (III, dist. 6 et dist. 7): la théorie de l'homo assumptus, la théorie de la subsistance et la théorie de l'habitus. Simon de Tournai défend, contre les deux autres, la théorie de la subsistance. Ses arguments sont largement diffusés et connus. Il contribue ainsi à mieux faire connaître sa théorie de l'union hypostatique, alors même que les arguments échangés au sein de l'arène polémique ressortissaient d'auctoritates hautement prestigieuses telles Hugues de Saint-Victor, vulgarisé par Achard de Saint-Victor, Robert de Melun ou Guillaume de Saint-Victor. Peu à peu, la théorie défendue par Simon de Tournai s'impose comme la position dominante. Hugues de Saint-Cher, en effet, se fait l'écho vers 1230 de l'unanimité des maîtres en faveur de la théorie de la subsistance, dans son Scriptum super III Sententiarum, dist. 6, 4. L'éditeur poursuit son introduction en discutant l'argumentation théologique de Simon de Tournai sur la composition du Christ. Le propos reste strictement technique et strictement théologique: au cours de l'Incarnation, la personne (divine) - c'est-à-dire le Verbe - commence à devenir humaine en étant composée d'une âme et d'une chair; elle ne devient pas une personne à ce moment-là. Elle l'est déjà. L'âme et la chair de cet homme sont assumées par le Verbe. Telle est la position basique de la théorie de la subsistance. L'introduction se clôt sur la présentation succincte des manuscrits du texte - six manuscrits - et sur les règles d'édition avec la justification de l'orientation du stemma. Suivent les cents pages de l'édition critique soit 67 Quaestiones soigneusement éditées avec le double apparat critique des variantes et des références. Bibliographie et indices clôturent le volume.
Le travail de Christopher Evans prolonge ainsi les études pionnières de Nicholas M. Häring sur Simon de Tournai et Gilbert de la Porrée dès les années 1950 jusqu'en 1970 et celles de Lauge Olaf Nielsen à partir des années 1980-1990 concernant les doctrines de l'Incarnation et l'union hypostatique notamment chez Gilbert de la Porrée. Le présent volume est donc une contribution importante à la pensée théologique du XIIe siècle dont la figure étudiée, Simon de Tournai, finalement peu connue mérite de susciter d'autres travaux tant sa voix aura porté dans le champ des enjeux doctrinaux du temps.
Bénédicte Sère