Rezension über:

Egon Flaig: Den Kaiser herausfordern. Die Usurpation im Römischen Reich (= Campus Historische Studien; Bd. 7), 2., aktual. und erw. Auflage, Frankfurt/M.: Campus 2019, 568 S., ISBN 978-3-593-50952-5, EUR 49,00
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Rezension von:
Frédéric Hurlet
Université Paris Nanterre
Redaktionelle Betreuung:
Matthias Haake
Empfohlene Zitierweise:
Frédéric Hurlet: Rezension von: Egon Flaig: Den Kaiser herausfordern. Die Usurpation im Römischen Reich, 2., aktual. und erw. Auflage, Frankfurt/M.: Campus 2019, in: sehepunkte 20 (2020), Nr. 5 [15.05.2020], URL: https://www.sehepunkte.de
/2020/05/34034.html


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Egon Flaig: Den Kaiser herausfordern

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Une réédition mérite d'être signalée quand le livre en question a représenté au moment de sa parution une avancée scientifique et qu'il a par la suite fait l'objet d'un remaniement substantiel qui a affiné, complété ou corrigé l'analyse. Ce sont deux conditions que la monographie de Flaig remplit. Il faut commencer par rappeler à quel point elle a marqué les esprits dès sa première édition, publiée en 1992. Elle visait à faire ressortir à travers l'étude du phénomène de l'usurpation la nature du pouvoir impérial: à savoir une monarchie qui reposait sur l'acceptation de l'empereur par trois couches sociales de la société romaine que Flaig qualifie de «secteurs déterminants du système politique» et qui sont l'armée, l'ordre sénatorial et la plèbe urbaine. Une telle analyse fait de la personne de l'empereur un mandataire qui accédait au pouvoir seulement s'il avait été accepté par ces trois forces politiques et qui s'y maintenait aussi longtemps qu'un tel consensus n'était pas remis en question. En dépit de la teneur critique de quelques comptes rendus inutilement sévères et ne remettant en cause que des aspects secondaires [1], la thèse défendue par Flaig s'est révélée être un jalon décisif dans l'étude de la vie politique de Rome à l'époque impériale. Elle a été prolongée par les travaux de Paul Veyne. [2] Je m'en suis moi-même inspiré pour définir le régime impérial en précisant qu'il fallait ajouter parmi les acteurs les aristocraties provinciales, qui manifestaient de multiples manières leur adhésion au prince et faisaient ainsi du consensus uniuersorum une réalité tangible à l'échelle de l'Empire, même si leur intervention était de l'ordre du symbole. [3] La seconde raison qui justifie pleinement une réédition de cette monographie tient à un travail de réécriture qui est loin d'avoir été purement cosmétique et qui a affiné l'ensemble de l'analyse sur bien des points. Il en est sorti un nouveau livre, semblable sur le fond, mais différent sur la forme et définissant la notion centrale d'«Akzeptanzmonarchie» dans un premier chapitre inédit. Flaig a lu et intégré les nombreuses études sur le pouvoir impérial qui ont été publiées ces trente dernières années. Il a également pris en compte un document épigraphique capital publié en 1996, le Senatus consultum de Cn. Pisone patre, qui confirme son analyse globale du pouvoir impérial si ce n'est qu'il complique le schéma en ajoutant l'ordre équestre au nombre des groupes sociaux influents.

Le principal apport de la réédition de l'ouvrage tient dans le renouvellement des méthodes et le réexamen de questions qui avaient été abordées plus rapidement dans la première édition. Flaig a mis en œuvre une démarche comparatiste de façon plus méthodique que précédemment afin de faire ressortir par contraste les spécificités de la monarchie romaine. [4] On y trouvera notamment des rapprochements significatifs entre la plèbe de Rome et celle de Constantinople, ainsi qu'un classement des différents types de monarchie qui inscrit le pouvoir impérial romain dans la catégorie des monarchies non-dynastiques. Cette analyse est a priori paradoxale si l'on songe qu'il y eut à Rome des dynasties pouvant durer plus de trois générations, mais elle est stimulante parce qu'elle rend compte d'une particularité de la monarchie romaine, à savoir que l'assassinat de l'empereur entraînait d'ordinaire l'extinction de la dynastie au pouvoir. Or, si l'on rappelle que sur la vingtaine d'empereurs reconnus que compte le Haut-Empire jusqu'à la mort de Septime Sévère en 211, la moitié mourut de mort violente, l'usurpation apparaît non plus comme un épiphénomène ou un défaut du système, mais comme un élément structurel qui confirme à quel point le pouvoir impérial reposait sur l'adhésion à la personne de l'empereur. De ce point de vue, la monarchie romaine était un régime politique sui generis qui n'a rien à voir avec d'autres monarchies proprement dynastiques comme celle des Achéménides.

Une autre série de réflexions développées dans la réédition porte sur la place que Flaig accorde aux institutions dans son modèle théorique. Dans un compte rendu de la première édition, j'avais émis une seule critique de fond en pointant le fait qu'il réduisait excessivement la portée de ce qu'il appelait «le prétendu droit public» en considérant que celui-ci était «sans importance» et en rejetant résolument toute vision juridique d'inspiration mommsénienne. [5] Sans renier ses propos antérieurs, Flaig les nuance en invitant à ne pas négliger le ius publicum dans le cadre d'une culture politique marquée par un haut degré d'institutionnalisation; il prolonge cette analyse quand il précise qu'il n'y avait pas dans la Rome impériale un droit public, mais que chacun des acteurs politiques avait sa propre conception du droit. On ne peut qu'être d'accord avec lui quand il propose de remettre le droit public à sa juste place, sans l'écarter d'office pour autant. Il existait en effet à Rome un espace politique qui se situait à côté des institutions et s'articulait à l'occasion avec celles-ci. [6] Flaig inscrit pour sa part sa démarche dans le courant de la sociologie wébérienne, qu'il connaît bien, en soulignant que la question centrale dans le fonctionnement des régimes monarchiques est celle de l'obéissance, des modalités de celle-ci et des raisons pour lesquelles on obéit (ou pas) au souverain. Il était demandé au Sénat et au peuple, qui votaient des sénatus-consultes et des lois d'investiture, non pas de choisir l'empereur, mais de lui être loyaux à travers les actes juridiques et les rituels à leur disposition. Dans un système fondé sur l'acceptation du monarque, l'élément central n'est plus le droit, mais le consensus, qui seul justifie pourquoi l'empereur est choisi et pourquoi il est renversé. Flaig ajoute que l'empereur régnait non pas en tant qu'autorité charismatique, mais parce qu'il respectait les valeurs propres à chacun des groupes sociaux influents. Une telle position était toutefois hautement instable parce que les attentes des soldats n'étaient pas identiques à celles des sénateurs, qui elles-mêmes différaient de celles de la plèbe. L'exercice du pouvoir devenait de ce fait un exercice - périlleux - de communication politique.

L'ouvrage sur l'usurpation dans le monde romain s'est imposé dès la première édition comme une analyse de référence. Il faut maintenant le relire pour comprendre de quelle manière une recherche féconde offerte à la communauté scientifique en 1992 s'est, depuis lors, constamment enrichie en ne cessant de se remettre en question et sans se renier pour autant. L'enrichissement est tel qu'il faudra désormais citer un tel ouvrage dans sa seconde édition.


Notes:

[1] Cf. par exemple R. Urban, BJ 195 (1995), 691-700.

[2] P. Veyne: L'empereur, ses concitoyens et ses sujets», dans Idéologies et valeurs civiques dans le monde romain. Hommage à Claude Lepelley, éd. par H. Inglebert, Paris 2002, 49-64; Qu'était-ce qu'un empereur romain?, dans: L'Empire gréco-romain, Paris 2005, 15-78.

[3] Fr. Hurlet: Le consensus et la concordia en Occident (Ier-IIIe siècles ap. J.-C.). Réflexions sur la diffusion de l'idéologie impériale, dans: Idéologies et valeurs civiques dans le monde romain. Hommage à Claude Lepelley, éd. par H. Inglebert, Paris 2002, 163-178.

[4] Cette démarche comparatiste est du reste à l'œuvre dans une autre analyse de longue haleine publiée par Flaig et consacrée à la question de la décision prise à la majorité (Die Mehrheitsentscheidung. Entstehung und Kulturelle Dynamik, 2013).

[5] Fr. Hurlet, dans Latomus, 55 (1996), 204-207.

[6] Cf. Fr. Hurlet / P. Montlahuc: L'opinion publique dans la Rome tardo-républicaine. À propos du livre de Cr. Rosillo-López, Public Opinion and Politics in the Late Roman Republic, REA 120 (2018), 489-507.

Frédéric Hurlet