Chris Sparks: Heresy, Inquisition and Life Cycle in Medieval Languedoc (= Heresy and Inquisition in the Middle Ages; Vol. 3), Woodbridge / Rochester, NY: Boydell & Brewer 2014, XII + 170 S., ISBN 978-1-903153-52-9, GBP 60,00
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Pavlína Cermanová / Václav Žůrek (eds.): Books of Knowledge in Late Medieval Europe. Circulation and Reception of Popular Texts, Turnhout: Brepols 2021
Peter V. Loewen / Robin Waugh (eds.): Mary Magdalene in Medieval Culture. Conflicted Roles, London / New York: Routledge 2014
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A travers cet ouvrage tiré de sa thèse de doctorat, Chris Sparks se propose, dans la lignée des travaux de Mark Pegg, de renouveler l'analyse historique de l'inquisition et des hérétiques du Languedoc médiéval (XIIIe-XIVe siècles) en se penchant plus précisément sur les populations locales et leurs croyances. Souhaitant ainsi offrir une étude de la religion vécue des communautés laïques des pays d'Oc, l'auteur s'engage à suivre ces dernières dans les différents moments de la vie quotidienne médiévale, ce qui le conduit à s'appuyer sur la notion d'âges de la vie : l'enfance, la jeunesse, le mariage et la mort, étapes qu'il choisit donc pour structurer le volume en quatre chapitres. Il souhaite ainsi élaborer une histoire religieuse et sociale qui mette en évidence le rôle d'acteurs ordinaires liés au mouvement élitiste cathare d'une part et d'autre part, il cherche à rendre compte des représentations que les laïcs ont pu avoir de ce courant spirituel - que faute d'un autre vocabulaire plus clair ou plus explicite, Chris Sparks désigne, comme la plupart des spécialistes , comme celui des "cathares" ou des "bons hommes".
Pour atteindre son objectif, Chris Sparks s'appuie sur un corpus particulièrement fourni, couvrant une large période allant des années 1240 aux années 1320, et composé des différentes dépositions effectuées par de nombreux témoins devant les tribunaux inquisitoriaux (le manuscrit MS 609 de la bibliothèque municipale de Toulouse, la collection Doat à la Bibliothèque Nationale de France, le registre de Geoffroy d'Ablis, les sentences de Bernard Gui, le registre de Jacques Fournier, présentés dans l'introduction, 126), habituellement exploitées séparément, mais ici mises en parallèle.
Dans le premier chapitre (Childhood 27-70), Chris Sparks présente l'étape de l'enfance qui, selon lui, joue un rôle fondamental dans le processus de conversion religieuse à l'hérésie ou dans son éventuel rejet, les cathares tout comme les inquisiteurs ayant été très soucieux de dispenser un enseignement religieux adéquat en direction d'un jeune public.
La deuxième partie, consacrée à la jeunesse (Youth 71-93), s'attarde sur plusieurs études de cas consacrées aux écuyers, aux apprentis et aux travailleurs agricoles, activités alors surtout pratiquées par des garçons et de jeunes hommes, ce qui conduit Chris Sparks à concentrer son analyse sur leur situation oubliant quelque peu celle des jeunes filles. Ce chapitre, plutôt bref, explique comment, à travers leurs activités, les jeunes du Languedoc médiéval ont été formés, au contact d'adultes, aux rudiments de la spiritualité cathare jusqu'à se convertir parfois rapidement, dans les premières années de leur adolescence.
Dans le troisième chapitre (Marriage 94-122), l'auteur s'attache à décrire les rituels religieux du mariage catholique ainsi que la vie de couple chez les cathares, mettant ici plutôt en évidence le cas de jeunes femmes qui tantôt quittaient leur époux pour se convertir au catharisme, tantôt abandonnaient ce courant spirituel pour précisément se marier.
Enfin, la dernière partie traite des derniers moments de la vie (Death 123-150), des rituels qui les accompagnent tant du côté catholique (confession, communion, extrême-onction dont la pratique en Languedoc ne se serait développée qu'à partir du milieu du XIIIe siècle selon l'auteur) que du côté des hérétiques (consolamentum) ainsi que de la mise en sépulture - parfois singulière chez les cathares car, en période de répression, ils enterraient leurs morts dans les bois, les champs et les jardins.
Se clôturant par une rapide conclusion (157-158), un glossaire (157-158), une bibliographie (159-167) et un index (169-170), cet ouvrage ose une approche particulièrement originale de la spiritualité vécue portée par l'idée que les âges de la vie correspondent à des moments clés du parcours religieux des laïcs du Languedoc médiéval.
Toutefois, l'analyse se heurte à plusieurs difficultés méthodologiques. D'une part, les différents filtres se chevauchant dans ces sources inquisitoriales bien qu'expliqués en introduction (24-26) ne semblent pas toujours avoir été pris en compte par l'auteur qui régulièrement explique que tel mot de vocabulaire (note n°27, 33) ou telle datation (note n°118, 49) serait le fait du témoin, alors que les remaniements opérés par les inquisiteurs sur ce type de documentation sont très nombreux et particulièrement complexes, si bien que celle-ci exprime plus volontiers les normes sociales des juges que celles des témoins. [1]
D'autre part, les âges de la vie auxquels l'auteur se réfère ne sont pas ceux habituellement définis par les clercs du Moyen Âge mais ceux de l'historiographie moderne. L'auteur explique ce choix en avançant que ceux fixés par les médiévaux étant théoriques, ils ne permettaient pas une analyse de la vie quotidienne de la population (7-10). Ce parti-pris, outre son anachronisme, fait perdre de vue ce que les inquisiteurs désignaient comme des enfants, des jeunes, des adultes alors qu'il aurait été beaucoup plus pertinent et novateur d'analyser en profondeur - et non en quelques lignes - ce que la terminologie latine des inquisiteurs recouvrait précisément, notamment pour le cas délicat des "jeunes". Par ailleurs, cette approche exclusivement axée autour des cycles de la vie conduit Chris Sparks à ignorer d'autres critères sociaux tout aussi déterminants : les milieux sociaux dont ces laïcs sont issus tout comme leur éventuel statut particulier au sein d'une communauté villageoise, bien que mentionnés ne sont pas discutés. Enfin, la question du genre n'est pas exploitée et conduit non seulement à des déséquilibres dans le traitement des chapitres, mais aussi à une quasi occultation des femmes seules telles que les veuves. À terme, c'est la bibliographie même qui s'avère lacunaire avec l'omission d'ouvrages majeurs tels que celui d'Anne Brenon, Les femmes cathares (2005) ou celui de Didier Lett et Danièle Alexandre-Bidon, Les enfants au Moyen Âge, Ve-XVe siècles (1997).
Fourmillant d'anecdotes, ce volume, à la lecture plaisante, est donc plutôt un ouvrage que l'on recommandera pour une première approche du monde laïc du Languedoc médiéval pendant la période cathare.
Note:
[1] Inquisition et société en pays d'Oc (XIIIe et XIVe siècles), recueil préparé par Jean-Louis Biget, Toulouse 2014.
Anne-Laure Méril-Bellini delle Stelle