Sabine Müller: Die Argeaden. Geschichte Makedoniens bis zum Zeitalter Alexanders des Großen, Paderborn: Ferdinand Schöningh 2016, 477 S., 24 s/w-Abb., 2 Kt., ISBN 978-3-506-77768-3, EUR 59,00
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La monographie du Professeur Müller est un produit typographique réussi, bien imprimé et relié, qui se laisse lire avec plaisir. Le plan est clair: les remerciements d'usage et une brève introduction sont suivis de douze parties subdivisées en chapitres, des notes, de la bibliographie et d'un index (malheureusement réduit à la portion congrue des noms propres). Chaque partie est assortie d'un résumé qui récapitule ses éléments essentiels et qui pourrait rendre service aux universitaires l'utilisant comme manuel.
Après trois premières parties, en quelque sorte introductives, respectivement: I. Basics: Makedonien und die Argeaden; II. Auf der Suche nach der makedonischen Sicht: Basics zur Quellenlage et III. Argeadische Aufstiegsgeschichten: Göttergunst, Hirtenmetapher und vornehme Ahnen, les neufs parties restantes suivent un ordre chronologique traditionnel sur la base de la succession des règnes: Alexandre Ier, Perdiccas II, Archélaos, la première décennie chaotique du IVe siècle, Amyntas III, Alexandre III et Perdiccas III, Philippe II, Alexandre III et, pour finir, Philippe III (Arrhidée) et Alexandre IV. Tout dans cet ouvrage n'est, cependant, pas convenu. C'est dans les parties introductives que l'auteur donne les meilleures preuves de son originalité par des chapitres tels "Makedonen in der griechischen Komödie" (57-60), "Der Topos der Trunksucht" (64-68) ou "Der Topos sexueller Entgleisungen" (72-73; cf. aussi le chapitre "Archelaos, Agathon und die makedonischen männlichen Sexualrollen", 175-181). Ces chapitres sont intéressants non seulement parce qu'ils sont originaux, mais aussi parce qu'ils sont écrits avec un remarquable bon sens, un bon sens qui est d'ailleurs la qualité essentielle de beaucoup d'autres sections du livre. Le lecteur attentif trouvera aussi matière à réflexion et des informations détaillées en particulier dans les pages consacrées à l'histoire de la Macédoine au Ve et à la première moitié du IVe siècle, période qui habituellement n'attire pas l'intérêt des savants autant que les règnes de Philippe II et d'Alexandre III.
La grande vertu de l'ouvrage de Sabine Müller est sa lisibilité, qui n'est pas seulement due à la netteté de son plan, mais aussi à la clarté de la langue et à l'aisance du style (malgré un nombre excessif d'anglicismes), qui rendent le livre accessible même à un public dont l'allemand n'est pas la première langue étrangère.
Cependant, même les bons livres ont des défauts, de forme ou de fond. Ainsi, le système de références est malcommode, car les inconvénients du système prétendu "de Harvard" sont aggravés par le rejet des notes à la fin du texte. Le malheureux lecteur, pour ne pas se perdre, doit glisser et maintenir un doigt à la page du texte, un second doigt à la page correspondante des notes et un troisième doigt aux pages de la bibliographie. Et quelle n'est pas son exaspération, quand il n'y trouve pas l'ouvrage auquel il est renvoyé! Par exemple, à la page 177, il est renvoyé à la n. 103, page 378, où il trouve la référence "Davidson 2007, 360-380", qui malencontreusement, n'existe pas dans la bibliographie. A la page 308, on est renvoyé à la n. 6, page 420, où on trouve la référence "Monerie 2014, 159", qui ne figure pas non plus dans la bibliographie. En revanche, à la page 233, on cherchera en vain le renvoi à la n. 150, laquelle pourtant figure à la page 395 et concerne le monnayage de bronze d'Alexandre II. Il y a d'autres petites erreurs qui trahissent une certaine hâte dans la préparation du livre et qui devront être corrigées dans une réédition (par ex. la fille d'Amyntas III dont le nom est Eurynoë apparaît aux pages 213 et 221 comme Euryonë).
Sur le fond, je pense que le titre "Die Argeaden", n'est pas bien choisi. Le nom de la dynastie utilisé par nos meilleurs sources (Hérodote et Thucydide) est Τημενίδαι, alors que le terme Ἀργεάδαι est surtout utilisé pour désigner les Macédoniens qui sous les rois Téménides fondèrent le royaume de la Basse Macédoine. Cependant, il faut reconnaître que la confusion est fréquente chez les auteurs modernes. Plus sérieusement, on est frappé par le manque d'intérêt de l'auteur pour les témoignages épigraphiques, qui, contrairement aux monnaies, sont rarement mentionnés et encore moins exploités. La liste des théorodoques d'Epidaure (IG IV 1, 94 Ia), par exemple, qui date du règne de Perdiccas III et qui offre un panorama de la géographie politique des régions macédoniennes à cette époque, est à peine mentionnée à la page 367, n. 59. La liste des prêtres d'Apollon et d'Asclépios à Kalindoia (SEG 40 <1990> 530), témoignage exceptionnel de la fondation d'une cité macédonienne par Alexandre III sur la terre royale de la Bottique est passée sous silence, de même - ce qui est encore plus étonnant - que le rapport des ambassadeurs de Philippes sur les instructions d'Alexandre concernant leur cité (SEG 34 <1984> 664), qui illumine d'une façon inattendue les intentions du grand conquérant après la prise de Persépolis. Cette "éclipse épigraphique" n'est pas sans rapport avec l'absence de chapitres systématiques non seulement sur l'art et sur les cultes et les croyances, mais aussi sur les institutions politiques et sociales de la Macédoine, dont les inscriptions constituent la source par excellence. Cette dernière lacune est évidente dans la partie X du livre sur le règne de Philippe II, dont les réformes militaires sont indissociablement liées à ses réformes institutionnelles, qui transformèrent la Macédoine en érigeant les centres urbains du royaume en unités politiques et administratives de base. Les "clans" et les "networks" n'expliquent et - encore plus - n'épuisent pas la Macédoine de Philippe II.
On pourrait se demander si cette lacune n'est pas en rapport avec les limitations bibliographiques du livre. Du point de vue de la langue, la quasi-totalité des titres de référence est en allemand - ce qui est compréhensible - ou en anglais - ce qui l'est moins. Or, une grande partie de la bibliographie archéologique et épigraphique de la Macédoine n'est ni en allemand ni en anglais, mais en grec et en français. Passe encore pour le grec. Graeca sunt non leguntur (quoique on ne devrait pas trouver des fautes telles agathos andros <157> au lieu d'agathos aner ou Διογένης Ἡφαιστίωνι ἤρως <420, n. 273> au lieu de Διογένης Ἡφαιστίωνι ἥρωι). Mais quelle est la justification de l'absence d'ouvrages essentiels en français? En tout cas, le résultat en est que la discussion des théories de la "Sekundärliteratur" s'arroge la part du lion aux dépens des sources primaires et des realia, faisant ainsi la Macédoine apparaître comme une abstraction désincarnée, en quelque sorte "hors sol". Aussi, Manolis Andronicos, dont les découvertes ont transformé notre image de la Macédoine antique "a droit" à une seule entrée bibliographique contre 31 à Elizabeth Carney, et 25 à Waldemar Heckel, dont la contribution à la connaissance de la Macédoine antique, aussi respectable soit-elle, n'est en rien comparable à celle d'Andronicos. Le pire c'est que des savants tels Jean Kalléris et Claude Brixhe, dont les travaux sur la langue parlée en Macédoine sont fondamentaux, sont totalement absents, de même que Bruno Helly, dont les études sur la Thessalie et sur la situation en Perrhébie sous Amyntas III en particulier (212), sont indispensables.
Il y a aussi d'autres points sur lesquels je serais en désaccord avec l'auteur. Par exemple, Aigai n'est pas en Piérie mais en Bottie (33). D'autre part, Sirrhas, le nom du père d'Eurydice, est inconnu en Illyrie, mais se rencontre exclusivement en Macédoine (en dehors d'Aigai, à Pella et à Létè), ce qui dément l'origine prétendument illyrienne de l'épouse - de l'aveu de l'auteur systématiquement calomniée - d'Amyntas III (183). Quant à Strabon (7.7.8), il ne prend nullement Sirrhas pour une femme (380, n. 156), mais dit simplement qu'"Eurydice était la fille de Sirrhas" (même erreur dans l'édition Loeb de Strabon).
Pour autant, ce ne sont ni les lacunes ni les erreurs, inévitables dans un ouvrage de 477 pages, qu'on retiendra de la lecture du beau livre de madame Müller, mais ses jugements équilibrés sur la langue, les mœurs et la culture des anciens Macédoniens, ses excellentes pages sur le meurtre de Philippe II (269-276) ou sa pénétrante analyse de l'"affaire" de Pixodaros (407, n. 318, bien meilleure que celle qu'elle co-signe avec Waldemar Heckel et Timothy Howe dans Timothy Howe / Sabine Müller / Richard Stoneman <éds>: Ancient Historiography on War and Empire, Oxford 2016, 92-124).
En conclusion, Die Argeaden est un excellent manuel de l'histoire politique de la Macédoine depuis la fondation du royaume et jusqu'à l'extinction de la dynastie Téménide. En combinaison avec un ouvrage susceptible de fournir le complément archéologique indispensable (tel par exemple le Brill's Companion to Ancient Macedon), il rendra les plus grands services à un public étendu, allant des spécialistes de la Grèce du Nord aux étudiants d'Histoire et d'Archéologie des Universités, non seulement allemandes, mais plus généralement européennes.
Miltiades B. Hatzopoulos