Rezension über:

Marie-Madeleine de Cevins / Olivier Marin: Les saints et leur culte en Europe centrale au Moyen Âge. (XIe-début du XVIe siècle) (= Hagiologia. Études sur la sainteté et l'hagiographie - Studies on Sanctity and Hagiography; Vol. 13), Turnhout: Brepols 2017, 382 S., 5 Farb-, 6 s/w-Abb., 9 Tabl., ISBN 978-2-503-57548-3, EUR 90,00
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Rezension von:
Edina Bozóky
Centre d’études supérieures de civilisation médiévale, Université de Poitiers
Redaktionelle Betreuung:
Ralf Lützelschwab
Empfohlene Zitierweise:
Edina Bozóky: Rezension von: Marie-Madeleine de Cevins / Olivier Marin: Les saints et leur culte en Europe centrale au Moyen Âge. (XIe-début du XVIe siècle), Turnhout: Brepols 2017, in: sehepunkte 24 (2024), Nr. 1 [15.01.2024], URL: https://www.sehepunkte.de
/2024/01/31360.html


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Marie-Madeleine de Cevins / Olivier Marin: Les saints et leur culte en Europe centrale au Moyen Âge

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Après l'étude magistrale de Gabor Klaniczay sur les cultes dynastique en Europe centrale [1], cette publication des études, issues des colloques tenus en 2013 et 2014, constitue une nouvelle mise au point sur la sainteté en Europe centrale.

L'Introduction d'Olivier Marin présente le choix de trois parties autour desquelles le volume s'articule: Saints anciens/saints modernes; L'emprise des ordres mendiants; Saints d'implantation/saints de souche.

Dans la première partie, la place des saints anciens par rapport aux nouveaux est analysée par plusieurs chercheurs. En Bohême, les saints patrons Venceslas et Adalbert gardent leur importance primordiale ; néanmoins le roi de Bohême et empereur Charles IV réussit à y introduire Guy (Vitus) et Sigismond, roi martyr de Burgondie, comme saints patrons nouveaux. Avec le mouvement hussite, les martyrs Jean Hus et Jérôme de Prague, brûlés à Constance en 1415 et 1416, suscitent aussi de nouveaux cultes, sans approbation de Rome (P. Kubin).

L'article de D. C. Mengel présente la politique de reliques de Charles IV à Prague. Au cours de ses très nombreux déplacements (entre 1330 et 1378, 438 lieux visités), il acquiert toute une collection de reliques qu'il fait déposer à Prague et à Karlstein. En Transylvanie, à la fin du Moyen Âge, C. Flora constate que c'est le culte des saintes anciennes et universelles - Dorothée, Catherine et Barbara - qui prédomine. Le développement du culte de saint Sébastien - saint ancien - et de celui de saint Roch - saint moderne - est dû à leur spécialisation en tant que protecteurs contre la peste. Sébastien est invoqué contre l'épidémie dès le milieu du XIVe siècle ; Roch le rejoint seulement à la fin du XVe (O. Gecser).

A partir de la fin du Moyen Âge, certaines régions de la Hongrie sont pillées par les Turcs ottomans qui emmènent aussi des hommes en captivité. E. Csukovits analyse les miracles de libération des prisonniers dans deux recueils de miracles (Ujlak, 1458-1461 et Budaszentlörinc, 1422-1505). Contrairement à ce qu'on peut observer dans des recueils des temps féodaux (sainte Foy, saint Léonard), les saints n'interviennent pas directement, ils ne font qu'encourager les captifs pour s'évader.

Dans la deuxième partie, sont évoqués les cultes liés à l'emprise des ordres mendiants. Ch.-F. Felskau étudie la "fabrique" de sainteté d'Agnès de Bohême (ou de Prague). Fille du roi de Bohême, Ottokar Ier, et de la princesse arpadienne Constance, et sœur du roi de Hongrie André II, elle refuse de se marier et entre au couvent des Clarisses qu'elle fonde en 1234. Il y a eu des tentatives d'obtenir sa canonisation dès le XIVe siècle. Les lettres que Claire d'Assise a adressées à Agnès devaient contribuer à la reconnaissance de sa sainteté, aboutie seulement en 1989 sous le pontificat de Jean-Paul II. E. Konrad signale que le plus ancien texte en prose hongroise est consacré à la légende de saint François d'Assise et ses compagnons. Il figure dans le Codex Jokai (c. 1440), entièrement écrit en hongrois et issu du milieu des Franciscains spirituels. A. Zajchowska présente l'hagiographie du premier dominicain polonais, saint Hyacinthe (mort 1257) à travers ses Vitae rédigées entre le XIIIe et le XVIe siècle. Parmi les saints dominicains, une place particulière revient aux martyrs de Hongrie, victimes des Coumans et des Tartares (A. Reltgen-Tallon). L'étude de L. Viallet met en lumière le rôle du franciscain Jean de Capistran, envoyé pour prêcher en Europe centrale (1451-1456), dans la construction de la sainteté de Bernardin de Sienne. Lors de ses prêches, Jean de Capistran utilise l'image et les reliques de Bernardin.

La troisième partie confronte saints d'implantation et saints de souche. Adalbert de Prague a une place particulière. Né en Bohême dans une famille prestigieuse, devenu le deuxième évêque de Prague en 983, il est chassé de son siège à la fin des années 980. Après diverses tribulations, il part évangéliser les Pruthènes où il subit le martyre en 997. Son corps est récupéré par Boleslav le Vaillant qui le dépose dans son centre de pouvoir à Gniezno ; l'empereur Otton III obtient seulement un de ses bras. Quant à la postérité de son culte, les Tchèques et les Polonais rivalisent pour s'approprier en tant que saint patron national (G. Bührer-Thierry). A Cracovie, le culte de l'évêque martyr Stanislas (ou Stanislaw), premier saint natif de Pologne, prend son essor dès son assassinat par le roi Boleslas II en 1079. Il s'impose nonobstant les cultes déjà anciens d'Adalbert, de Wenceslas, roi martyr de Bohême, et de Florian, martyr romain, dont les reliques sont importées de Rome en 1184. Après sa canonisation (1253), malgré les tentatives de propager de nouveaux cultes par les ordres mendiants, il devient le patron de Pologne (S. Kuzmova).

L'étude d'E. Madas explore la diffusion du culte des saints rois de Hongrie - Etienne (mort 1032), son fils Emeric (mort 1031) et Ladislas (mort 1095) - à travers les sources liturgiques et hagiographiques d'Europe centrale. I. Gerat retrouve certains motifs miraculeux de l'iconographie de saint Ladislas dans les représentations de plusieurs saints "universels" (Georges, Jacques, Antoine du Désert) sur des retables du XVe siècle. Enfin, l'article de H. Patkova résume ses recherches sur les sources concernant le culte des saints dans le milieu des confréries et des métiers en Bohême médiéval. En dehors des saints auxiliaires "universels", seul saint Venceslas bénéficie d'un culte, en particulier chez les brasseurs.

Les conclusions très fournies de M.-M. de Cevins soulignent d'abord l'attachement aux saints anciens jusqu'au XIVe siècle, une relative lenteur de "moderniser" le sanctoral centre-européen. Si l'emprise institutionnelle des ordres mendiants, présents dans la région des 1220-1230, a été très importante, leur rôle dans l'actualisation du sanctoral ne l'était pas. Cependant au XVe siècle on peut observer une certaine vitalité en matière de la "fabrique des saints" en Europe centrale. Le volume comprend quelques illustrations et deux index (nominum et locorum).


Note:

[1] Gabor Klaniczay: Holy Rulers and Blessed Princesses. Dynastic Cults in Medieval Central Europe, Cambridge 2002.

Edina Bozóky